Dishonored

Présentation

Sorti en octobre 2012, développé par Arkane (un studio français!) et édité par Bethesda (spécialiste des bugs), Dishonored propose d’incarner un assassin dans un univers résolument steampunk. L’action prend place dans la ville portuaire de Dunwall, la capitale de l’île de Gristol. L’activité principale de la cité, au centre de toutes attentions, est la chasse à la baleine, et pour cause : dans cet univers, l’huile de ces mastodontes est en réalité un puissant carburant qui a permis à Dunwall d’entrer dans l’ère moderne en effectuant sa révolution industrielle. Toutes sortes d’inventions ont ainsi vu le jour grâce à cette nouvelle énergie : véhicules électriques, miradors automatisés, portails de sécurité électrifiés, systèmes de communication radio,…. Mais toutes ces belles machines ne sont d’aucune utilité face à l’épidémie de peste qui touche la cité depuis quelques mois et qui attire des hordes de rats. Et pour couronner le tout, l’Impératrice vient de trouver la mort des mains de son propre garde du corps, selon la rumeur. C’est dans ce contexte peu reluisant que vous prendrez en main le destin de Corvo, le fameux garde du corps accusé du meurtre de sa protégée. Et pour remettre un peu d’ordre dans tout ça, il vous faudra éliminer ceux qui vous ont piégé et qui règnent désormais sur la ville. Pour vous aider dans cette tâche, vous pourrez compter sur une poignée d’alliés, un équipement de qualité, et surtout, sur les pouvoirs magiques que vous a octroyés une mystérieuse entité.

 

Un bon jeu…

Visuellement, le jeu est très réussi. S’il n’est pas le plus beau existant sur le marché, sa direction artistique lui confère en revanche une véritable âme qui rend la découverte et la visite de Dunwall très agréable. Les riches demeures côtoient les quartiers plus modeste de la populace, ou les zones presque en ruine où se réfugient les plus pauvres. Les baleiniers passent au loin, emmenant leur chargement vers un destin aussi sordide que vital pour la survie de la cité. Les plus démunis errent dans la rue à la recherche de quoi manger ou d’un abri, tandis que les voyous arpentent les ruelles en quête d’une proie facile et que les gardes se débarrassent des corps des victimes de la peste. En bref, la cité est véritablement animée d’une vie propre, et ce n’est certainement pas un hasard puisque Viktor Antonov, le directeur artistique du jeu, considère Dunwall comme un personnage à part entière.

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Coté gameplay, il n’y a pas grand chose à redire non plus. La vue à la première personne renforce sans nul doute l’immersion, et la prise en main est rapide. Très vite, on se rend compte que Dishonored propose deux styles de jeu : infiltration ou action, en fonction de votre volonté à rester discret, ou au contraire à foncer dans le tas arme au clair. Les deux approches sont parfaitement viables, et il est bien sûr possible de mélanger les deux. Pour les adeptes de la furtivité, il est bien sûr possible de se faufiler dans le dos des gardes ou de les éliminer discrètement (au contact ou de loin avec une arbalète), mais jeu pousse aussi à explorer son environnement, car il regorge de passages secondaires ou tertiaires : accès aux toits, tunnels d’entretiens, conduits de ventilation, ruelles malfamées ou envahies par les rats, les chemins ne manquent pas. Grâce aux pouvoirs, il est aussi possible de se téléporter sur de courtes distances, de sauter plus haut, voir de posséder le corps des animaux ou des humains, ce qui multiplie encore les options. L’approche direct de son coté, consiste généralement à suivre le chemin le plus évident, truffé de gardes et de système de sécurité. Et c’est là l’occasion de déchaîner le formidable potentiel destructeur de Corvo. Outre ses talents de bretteur avec son épée courte qui lui permettent d’enchaîner parades et contre-attaques, l’ancien garde du corps possède un pistolet et peut se procurer des grenades, ainsi que des sortes de mines de proximité ou même des carreaux incendiaires pour son arbalète. Et si cet arsenal ne suffit pas, Corvo peut encore compter sur ses éventuels pouvoirs magiques : rafale de vent, appel d’une nuée de rats ou arrêt temporaire du temps, pour ne citer que les plus évocateurs.

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Les pouvoirs justement, apportent une petit coté jeu de rôle à Dishonored, puisqu’ils s’achètent et s’améliorent avec des runes disséminées dans la ville et qu’il faudra d’abord trouver. Il est ainsi possible de personnaliser Corvo en mettant l’accent sur tel ou tel pouvoir plutôt qu’un autre.

 

avec ses défauts…

Le verdict sur le scénario et la narration est à mon sens plus mitigé. Si elle se suit avec plaisir, la trame principale est cependant beaucoup trop prévisible et convenue. On attend jusqu’à la fin un retournement de situation vraiment surprenant, ou même une révélation inattendue, mais en vain. Certaines quêtes secondaires offrent une histoire plus intéressante, mais elles sont malheureusement peu nombreuses. Coté narration, le principale problème vient du manque global d’emprise que le joueur a sur l’intrigue. Peu de choix ont une réelle influence sur cette dernière, et j’ai un peu eu le sentiment de parcourir le jeu comme un simple spectateur. Cette sensation est d’ailleurs renforcée par le fait que Corvo est incapable de prononcer la moindre parole, et se contente, tel Gordon Freeman, d’écouter passivement tout ce qu’on lui dit. De plus, le fait d’avoir choisi de segmenter le jeu en missions distinctes les une des autres (avec tableau récapitulatif et chargement à la fin de chacune d’elles) a tendance à hacher cette narration, car l’histoire ne progresse véritablement que lorsque Corvo rentre à sa base après ses escapades en ville.

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Un autre défaut est la faible difficulté du jeu. L’intelligence artificielle des personnages n’est pas très poussée, et il suffit bien souvent d’être en hauteur pour rester invisible, car les gens ne lèvent visiblement pas souvent les yeux. On a aussi droit aux habituels, mais énervants, écueils de nombreux jeux d’infiltrations, comme les gardes qui ne formalisent pas de la disparition de leurs camarade, ou ceux qui reprennent calmement leur ronde après avoir entendu un bruit suspect et dégainé leur arme pour la douzième fois. En combat, les choses sont un peu plus corsées quand on monte dans les niveaux de difficultés, mais Corvo surclasse tout de même largement ses adversaires, et il est rare de se trouver véritablement en danger.

Dernier point noir, la relative répétitivité du jeu. Les adversaires manquent globalement de variété, et on se prend souvent à réaliser la même routine d’action, particulièrement lorsqu’on choisit l’approche furtive. Ormis un ou deux niveaux qui sortent un peu du lot, les missions finissent ainsi toute par se ressembler, et c’est dommage.

 

mais aussi ses bonnes trouvailles!

Un aspect intéressant du jeu est de confronter le joueur aux conséquences de ses actes. À la fin de chaque mission, un indicateur de chaos est donné, allant de faible à élevé. De manière assez logique, se battre en pleine rue ou multiplier les dommages collatéraux en massacrant des régiments de gardes ou en abattant les civils génère un chaos élevé, tandis qu’à l’inverse, frapper avec discernement ou éliminer ses adversaire de manière non létal en évitant que leurs corps ne soient découverts garanti un chaos plus faible. Il est même possible de terminer le jeu sans verser une goutte de sang, puisque Corvo peut se débarrasser de ses cibles principales par des moyens détournés (en les faisant enlever par exemple). Sur le papier, ce dernier point est une excellente idée, mais il n’a hélas aucune influence sur le jeu, même les dialogues ont été écrit de manière à pouvoir coller à toutes les situations (on entend ainsi que tel ou tel personnage a été « éliminé », qu’il « a disparu » ou « a été écarté », mais jamais rien de plus précis). Le niveau de chaos, lui, a un impact visible sur l’environnement, et s’il est élevé, Dunwall sombre peu à peu dans l’anarchie et la violence. Comme elle découle directement des actes de Corvo et de sa propension a faire couler le sang, cette donnée a aussi une influence directe sur l’issu de la trame principale. Grâce à ce petit détail, le jeu bénéficie d’une bonne rejouabilité qui augmente ainsi sa durée de vie déjà correct (comptez entre 10 et 20 heures pour arriver à la fin de l’aventure, en fonction de votre style de jeu et de votre goût pour l’exploration).

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Ce qui est génial, c’est que ce système contribue à retranscrire assez finement un sentiment difficile à mettre en scène dans un jeu vidéo : la tentation. De manière tout a fait sournoise, les développeurs font miroiter au joueur des pouvoirs très puissants et destructeurs, puis ils lui permettent ensuite d’acquérir tout un arsenal de mort, avant de lui montrer que s’il se sert de tous ces outils mis à sa disposition, il plongera Dunwall dans le chaos et la violence. Du coup, la tentation que devrait logiquement ressentir Corvo de libérer toute sa puissance pour parvenir à ses fins devient aussi la tentation du joueur, qui aimerait bien utiliser plus du quart de l’inventaire et des pouvoirs de son personnage.

 

En conclusion

Il est indéniable que Dishonored est un bon jeu, mais il souffre à mon avis d’un scénario et d’une écriture bâclés. Mon sentiment est qu’il est sorti un peu trop tôt, et qu’il aurait mérité quelques mois de développement supplémentaire afin de gommer ses défauts et d’améliorer son contenu (un niveau devant se dérouler dans un asile était initialement prévu, mais a été finalement retirer du jeu). J’y vois personnellement l’empreinte de l’éditeur Bethesda, qui est incapable de sortir un jeu complètement finalisé.