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Présentation

En juin 2012, le studio Cyanide et l’éditeur Focus sortaient en France un jeu vidéo intitulé Game of Thrones (et sobrement sous titré Le Trône de Fer, pour être sur d’être bien compris), une adaptation en jeu de rôle de la célèbre saga bénéficiant à la fois du soutien de George R. R. Martin et de celui de la chaine HBO.

L’histoire se déroule en parallèle des événements décrits dans le premier livre, et offre au joueur la possibilité de suivre deux personnages bien distincts dans leurs aventures sur le continent de Westeros.

Mors Westford d’un coté, est un ancien héros de la rébellion de Robert Baratheon, dans laquelle il a combattu pour son suzerain, Tywin Lannister. Vers la fin de la guerre, cet homme droit et intègre commit cependant l’irréparable en trahissant son seigneur. Comme le veut la coutume des Septs Couronnes, on lui offrit la possibilité de s’engager dans la Garde de Nuit pour éviter la mort, ce qu’il fit, abandonnant ainsi sa famille et ses titres. 15 ans plus tard, Mors est un frère juré réputé, craint et respecté par ses ennemis et ses pairs. Sa hargne au combat contre les sauvageons lui a valu le surnom de « Boucher », et l’une de ses spécialités est la traque et l’exécution des parjures qui renient leur serment envers la Garde et abandonnent leurs camarades. C’est aussi un change-peau, un individu capable de s’introduire par la pensée dans l’esprit d’un animal. Pour toutes ces raisons, il est souvent dit sur Le Mur que le seul et unique ami de Mors est son chien, une bête aussi féroce et couturée de cicatrices que lui.

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Alester Sarwyck s’est lui aussi illustré lors de la rébellion de Robert, et sa famille est aussi vassale des Lannister. À la fin de la guerre, désabusé par ce qu’il y avait vu et fait, il décida de quitter le continent de Westeros et s’embarqua pour les cités libres plutôt que de retourner vers les terres de sa famille. Il commença alors une nouvelle vie à Braavos. 15 ans plus tard, Alester s’est converti au culte de R’hllor et est devenu l’un de ses prêtres rouges. Averti par une ancienne connaissance du décès de son père, seigneur de Puysaigues, il décide de revenir en Westeros pour lui rendre un dernier hommage. Alester est un homme calme et mesuré, dont l’âme tourmentée a été apaisée par la foi.

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Un jeu aux rôles imposés

Autant le dire tout de suite, Game of Thrones ne permet pas d’incarner un rôle libre, mais il oblige au contraire s’immerger dans ses personnages principaux. Ces deux là possèdent tous les deux un lourd passif et ont déjà un caractère bien à eux, posé dès les premières minutes de jeu. Il est ainsi vain d’espèrer voir Mors ne plus se comporter en vétéran brutal, bourru et fidèle à ses principes, ou voir Alister renier R’hllor. En cela, le jeu se rapproche beaucoup de The Witcher 1 et 2 et il est aux antipodes de titres comme Skyrim ou Oblivion, dans lesquels le joueur créé un avatar vierge de tout passif et peut se permettre toutes les fantaisies. C’est cependant loin d’être une mauvaise chose, car en contrepartie cela permet d’incarner des personnages charismatiques, avec un historique intéressant, et qui s’intègrent parfaitement dans le scénario. De surcroît, il est assez rare dans les jeux vidéos de voir des héros aussi âgé que ces deux là: Alester doit avoir la quarantaine, tandis que Mors doit être plus proche de la cinquantaine.

Malgré tout, qui dit de jeu de rôle dit généralement feuille de personnage, et Game of Thrones ne fait pas exception à la règle, et il offre donc la possibilité de personnaliser les deux personnages au niveau de leurs capacités. Mors peut ainsi être un chevalier fieffé (spécialiste du combat avec un bouclier), un chevalier errant (expert dans le maniement des armes à deux mains) ou un magnar (un guerrier se battant avec une arme dans chaque main). Alester de son coté peut être un danseur d’eau (ni plus ni moins qu’un duelliste), un mercenaire (un combattant vicieux spécialisé dans les coups bas) ou un archer (je vous laisse deviner). Une fois ce choix effectué pour chaque personnage, le joueur a ensuite la possibilité de répartir des points dans des caractéristiques (force, agilité, endurance, chance et intelligence), ainsi que dans les compétences martiales et dans les talents propres à chaque classe (un chevalier errant aura ainsi des coups spéciaux pour faire des balayages avec son arme par exemple, tandis qu’un chevalier fieffé pourra donner des coups de bouclier pour étourdir ses adversaires). Ultime étape avant de se lancer dans l’aventure, la possibilité de doter chacun des personnages d’atouts et de faiblesses, dont la valeur doit s’équilibrer, et qui fourniront divers bonus ou malus lors des combats. Petit regret, ces traits n’auront aucun impact sur les autres aspects du jeu, un Mauvais Meneur n’aura ainsi aucune pénalité durant des dialogues. En cours de jeu, les deux héros gagneront bien sûr de l’expérience, qui leur permettra de passer des niveaux, et ainsi de répartir régulièrement de nouveaux points dans les caractéristiques, compétences et talents. À noter qu’il est également possible de gagner des atouts supplémentaires (et évidemment, des faiblesses) en fonction des actions des personnages. Dernier point, chacun des personnages débloque la possibilité d’acquérir des capacités spéciales durant sa progression. Mors développe ainsi ses talents de change-peau et accroît ses possibilités de contrôler son chien, tandis qu’Alester peut faire appel à sa foi et aux pouvoirs de R’hllor.

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Une réalisation brouillonne

Au niveau technique, Game of Thrones est loin d’être une grande réussite. Le moteur graphique accuse un retard certain pour un jeu sorti en 2012, et d’une manière générale, le résultat est moyen sur le plan visuel. Les animations des personnages sont aussi très approximatives, quant aux expressions des visages, elles sont globalement inexistantes. En colère ou joyeux, un personnage tirera la même tronche, et la synchronisation labiale est hasardeuse. Autre reproche, la plupart des environnements sont assez déserts. En dehors des personnages importants nécessaire à la progression de l’intrigue, on ne croise pas grand monde, et ces rares figurants ont de surcroit la fâcheuse tendance de tous se ressembler. Paradoxalement, le jeu réserve quelques bonnes surprises sur certains points. Ainsi, le joueur pourra admirer des effets de lumière et d’ombre plutôt réussis et convaincants, en particulier lors de certaines cut-scenes. La direction artistique du titre est aussi à saluer: si certains ont ainsi reproché aux décors d’être plutôt ternes et sans originalité, ils permettent d’un autre coté de s’immerger dans un univers médiéval volontairement réaliste, ce qui implique d’éviter les fantaisies de design qu’on trouve habituellement dans les jeux d’heroic-fantasy. Les armures en particulier ont visiblement bénéficié d’un soin particulier: sobres et sans fioritures inutiles, elles sont très détaillées et criantes de réalisme. Dernier point réussi, le passage de l’écran de télévision à celui d’ordinateur pour certains personnages! Car bien que le développement du titre ai commencé bien avant la sortie de la série, HBO a tout de même tenu à se greffer au projet. Les personnages importants de la saga sont donc modélisés dans le jeu d’après les acteurs qui les incarnent.

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Sur le plan sonore, le jeu s’en tire aussi plutôt pas mal. La musique est discrète, mais le joueur pourra y retrouver quelques morceaux issus de la série. Quant aux doublages, ils sont de bonne qualité et collent à l’ambiance et aux personnages. Quelques légères approximations apparaissent dans la version française, mais elles restent minimes. Et puis, il est possible de jouer en VOSTFR, ce qui règle ce genre de problème.

Le gameplay du jeu est à l’image de la technique, et donc plutôt moyen. Si la prise en main et la navigation entre les différents menus se fait sans problème particulier (que ce soit avec le combo clavier/souris ou avec une manette), la caméra est en revanche un peu trop près du personnage, et elle n’est absolument pas paramétrable. Un désagrément mineur lors des phases d’explorations, mais qui devient plus gênant lors des combats, durant lesquels il aurait été préférable de proposer au joueur une vue d’ensemble, puisqu’ils se veulent assez tactiques. Un problème encore plus marqué lors des batailles en espace réduit, ou impliquant beaucoup de combattants. Pour autant, le système de combat en lui même est assez sympathique. Chaque guerrier dispose de talents particuliers (comme un balayage pour un chevalier errant ou une attaque sournoise pour un mercenaire), et d’une jauge d’énergie qui lui permet de les utiliser. Chaque attaque spéciale consomme ainsi une certaine quantité d’énergie, qui se recharge lentement pendant les affrontements. Comme il est difficile, dans le feu de l’action, d’établir une stratégie efficace, lorsque le joueur accède aux talents de combat de son personnage, le temps est automatiquement ralentit, et il peut alors planifier jusqu’à trois actions pour chaque combattant qu’il contrôle. Un bon système, puisqu’il permet à la fois de construire une tactique adaptée à chaque affrontement, tout en maintenant une certaine pression, puisque même ralentie, l’action continue et le joueur ne peut donc pas se permettre de réfléchir indéfiniment. Une autre idée intéressante, c’est que les concepteurs ont essayé de mettre en avant les particularités propre à chaque arme ou armure. Une masse d’arme aura ainsi un bonus pour s’attaquer à un adversaire en armure de plaque, tandis qu’il vaudra mieux utiliser une arme perforante, comme une dague ou une lance, pour passer plus facilement la protection d’une cotte de mailles. Il existe aussi la possibilité, via certains talents, d’interrompre les attaques des adversaires. Et c’est là que le bat blesse, car si des petites icônes symbolisant les attaques spéciales apparaissent bien au dessus des ennemis, il est en revanche impossible de savoir à quoi elles correspondent, car aucune description n’apparait lorsqu’on passe le curseur dessus. En l’état, le joueur se retrouve à interrompre les attaques adverses un peu au hasard, en espérant qu’il aura bien stoppé les plus dévastatrice. Dernier point noir sur ce sujet, les combats sont à la longue un peu répétitifs, à cause du manque de variété des ennemis et des attaques disponibles. Certainement le défaut sur lequel il est le plus facile de fermer les yeux, puisqu’il découle directement de l’univers même du jeu: dans un monde faiblement teinté de fantasy, le panel des adversaires et des techniques de combat est forcément plus restreint que dans un univers baigné de magie et peuplé de nombreuses créatures fantastiques.

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Une scénarisation exemplaire

Ce qui fait véritablement l’intérêt de Game of Thrones, ce qui constitue son essence même, c’est qu’il offre la possibilité de vivre l’une des meilleurs aventures de ces dernières années en matière de jeux vidéos. Le joueur est ainsi amené à incarner alternativement Mors et Alester au cours de plusieurs chapitres, en suivant une intrigue parfaitement menée dans l’univers de la saga, qui est ici parfaitement respecté et restitué. L’ambiance du titre est donc résolument sombre, et le joueur sera amené à prendre des décisions difficiles. Les choses ne seront en effet jamais simples, et il n’y aura aucun bon ou mauvais choix, seulement des conséquences à assumer, parfois après plusieurs chapitres. Le système de dialogue est d’ailleurs une véritable réussite, heureusement d’ailleurs, puisque les discussions représentent un peu plus de la moitié du temps de jeu. Ici, le joueur ne choisi pas les répliques de son personnage, mais plutôt le cheminement de pensée qu’il a face aux paroles de son interlocuteur, ce qui renforce énormément l’immersion.

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Outre tous ces dialogues bien construits et intéressants à suivre, un autre bon point de la narration est l’alternance entre les personnages. En dehors du fait que ce soit une manière évidente de se rapprocher des livres, cela permet de donner un excellent rythme à l’histoire. La partie consacrée à Mors est plus brutale (y compris dans les dialogues) et comporte un peu plus de combat, tandis que les chapitres avec Alester sont plus calmes et laissent davantage place à la diplomatie, et c’est un véritable plaisir de passer de l’un à l’autre, surtout que les transitions interviennent à des moments particulièrement bien choisis. Cela empêche ainsi la monotonie de s’installer chez le joueur (en le faisant par exemple passer à un chapitre consacré à Alester juste après un long combat avec Mors), en plus de créer un suspens qui le tient en haleine.

Si le jeu est inextricablement lié à la saga de Martin (qui a d’ailleurs collaboré avec Cyanide sur le scénario, d’une part en l’approuvant, mais aussi en donnant des pistes pour l’étoffer ou le rendre plus cohérent), il n’oublie pas les néophytes pour autant. Tout ce que le joueur a besoin de connaître et de savoir sur l’univers et les personnages est ainsi expliqué durant les dialogues, ou via le codex, une encyclopédie qu’il complète au fur et à mesure de ses explorations. D’après des retours glanés sur différents forums, il semble parfaitement possible de profiter pleinement du jeu sans avoir lu le moindre livre, ou vu le moindre épisode de la série.

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Conclusion

Game of Thrones est un jeu qui vaut largement le détours. Le travail de Cyanide est loin d’être irréprochable, mais le studio a tout de même réussi à transposer avec brio l’oeuvre originale, tant au niveau de son univers que de son esprit, ce qui est malheureusement loin d’être toujours le cas lors des adaptations. À condition d’accorder de l’importance à l’histoire et à l’ambiance d’un jeu vidéo plutôt qu’à son moteur graphique et à son gameplay, ce titre offre au joueur la possibilité de s’immerger totalement en Westeros au coté de Mors et Alester. La narration et le scénario particulièrement travaillés donnent une dimension particulière au titre, qui a parfois été qualifié de livre interactif. Et peut-être mérite-t-il cette dénomination, tant il s’appuie sur les romans de George R. R. Martin. Comme dans les livres, l’étau du jeu des trônes se resserre inexorablement sur Mors et Alester, qui réalisent progressivement qu’ils sont au coeur d’une intrigue qui les dépasse. Et comme les personnages du maitre, ils ne s’en sortiront pas indemnes…